Est illégal le permis valant autorisation d’exploitation commerciale délivré par le maire postérieurement à l’enregistrement d’un recours devant la CNAC – CE, 1ère et 4ème chambres réunies, 2 mars 2022, n° 440079

Le maire de Saint-Affrique a délivré à la société HJC, le 11 juin 2015, un permis de construire valant exploitation commerciale (« PCAEC ») pour l’extension d’un supermarché exploité par la société SOTOURDI.

Ce PCAEC est intervenu alors même que des concurrents, dont la société DISTAFF ainsi que le Préfet, avait saisi la CNAC de recours les 4,5 et 11 juin 2015, contre un avis favorable rendu par la CDAC le 13 mai 2015.

Le 10 septembre 2015, la CNAC a émis un avis défavorable au projet.

Le maire de la Commune de Saint-Affrique a ensuite retiré son arrêté de PCAEC le 6 janvier 2016.

Dans ces conditions, la société DISTAFF a déposé une requête devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, aux fins de condamnation de la Commune au versement d’une indemnité de 11 736 000 euros pour les préjudices qu’elle estimait avoir subi du fait de l’illégalité du permis, de la tardiveté de son retrait par la Commune ainsi que de l’absence d’opposition par cette dernière à une déclaration de vente au déballage de la société SOTOURDI pour la période du 13 avril au 13 juin 2015.

Dans un arrêt en date du 17 février 2020, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a estimé que le permis n’était pas illégal du seul fait d’avoir été délivré dans le délai de recours d’un mois devant la CNAC. Elle a toutefois jugé que le PCAEC était illégal en raison de l’avis défavorable de la CNAC du 10 septembre 2015 (CAA Bordeaux, 17 février 2020, 18BX00281).

La société DISTAFF a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 17 février 2020. 

La question qui se posait devant la Haute Juridiction était de savoir si la délivrance du PCAEC avant l’extinction du délai de recours devant la CNAC et alors qu’un recours avait été formé, rendait le permis illégal.

Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de la société DISTAFF, mais est revenu sur le principe retenu par la Cour, par substitution de motif :

« en cas de recours introduit devant la Commission nationale d’aménagement commercial contre l’avis de la commission départementale compétente, ou en cas d’auto-saisine de la commission nationale, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d’exploitation (…) doit attendre l’intervention de l’avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer le permis ».

Le Conseil d’Etat a considéré que dans la mesure où l’avis de la CNAC se substitue à celui de la CDAC, la délivrance du PCAEC ne pouvait légalement intervenir avant que le CNAC ne rende son avis.

Il ressort de cette décision que la Haute Juridiction distingue les permis délivrés avant l’enregistrement d’un recours en contestation de l’avis de la CDAC devant la CNAC, de ceux délivrés après l’enregistrement d’un tel recours.

  • Les permis délivrés avant l’enregistrement d’un recours devant la CNAC restent légaux, mais seraient toujours susceptibles de devoir être retirés en cas d’avis défavorable de la CNAC.
  • En revanche, les permis délivrés après l’enregistrement d’un recours devant la CNAC sont illégaux. Ils doivent, dans tous les cas, être retirés en cas d’avis défavorable de la CNAC ou régularisés en cas d’avis favorable de cette dernière.

Tirant les conséquences de l’illégalité du PCAEC, le Conseil d’Etat affirme que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la Commune et à ouvrir droit à la réparation des préjudices de toute nature ayant pu en résulter directement. La Haute juridiction précise tout de même que la tardiveté du retrait du permis illégal par le maire est seulement susceptible d’être prise en compte dans l’évaluation du préjudice invoqué.

Le Conseil d’Etat a toutefois estimé en l’espèce qu’il n’y avait pas de lien direct et certain entre les préjudices invoqués et l’illégalité du PCAEC.

CDM